Hanoï a fêté le 10 octobre dernier les 1000 ans de son statut de capitale du Vietnam. Ce formidable anniversaire a été l'occasion pour le parti communiste d'affirmer sa volonté d'inscrire le prochain millénaire de la ville dans la paix. L'urbanisme est un de ses outils, mais a-t-il été judicieusement utilisé?
Petite Histoire de Hanoï
Les origines d'Hanoï, qui signifie littéralement la ville en de-ça (nôi) du fleuve (ha), sont mystiques. Sa naissance est très marquée par les croyances astrologiques et ésotériques de son époque. Son emplacement a été dicté par les règles de géomancie établies par Gao Pian, gouverneur de la région entre 865 et 868. La cité devait être en harmonie avec l'ordre cosmologique. Il fallait remplir plusieurs conditions, la première étant de trouver une montagne sacrée et bénéfique qui fut en l’occurrence le Mont Tân Viên. Dans son Histoire de Hanoï, Philippe Papin précise que "la présence de monts étaient indispensables car ils permettaient d'établir une parfaire harmonie avec les lacs et les rivières". Le fleuve rouge et les lacs remplissaient leurs rôles mais ils manquaient les monts. Des tertres de plusieurs dizaines de mètres de hauts ont ainsi été érigés. Ces mêmes croyances servirent à situer les constructions des bâtiments civils et militaires. Les rois qui investirent ensuite Hanoï (logeant dans la cité impériale dont il ne reste rien aujourd'hui) respectèrent scrupuleusement ces règles. Cette capitale était définie au XVIème siècle comme idéale, fruit de l'utopie du Vietnam d'alors. Cependant, la ville perdit beaucoup de son aura à partir de 1820 lorsqu'elle vit l'ensemble de ses palais et temples rasés pour punir la ville de ne pas reconnaître Hué comme la capitale du pays. Puis, en 1873, la France colonisa le pays, investit Hanoï et démolit les vestiges du passé pour mieux asseoir sa domination. Plusieurs monuments européens firent leur apparition dont une cathédrale, toujours présente, ôtant un peu plus à la ville son caractère traditionnel. Puis, lors de la seconde guerre d’Indochine, la ville a été bombardée par les Etats Unis qui déversa près de 15000 tonnes de bombes. Les quelques monuments historiques restants ont cependant été épargnés, par chance. Finalement, la Ville aura connu depuis l'arrivée de ses premiers habitants 1000 ans de colonisation chinoise et 100 ans de colonisation française, de nombreuses batailles et destructions, d'où la volonté de saisir 2010 comme une opportunité d'ouvrir une nouvelle page de son histoire et de son urbanisme.
Aujourd'hui, la ville grossit et compte, avec l'ensemble des provinces administrativement rattachées, environ 6,4 millions d'habitants. Le parti unique a en conséquence élaboré de prodigieux projet pour cette agglomération estampillée ville de paix par l'ONU. L'opération "Grand Hanoï" a été lancé à l'occasion de la fête du millénaire avec l'objectif politique d'instaurer une paix durable pour la ville, ses provinces et le Vietnam. La vidéo ci-dessous destinée à promouvoir ce projet est éloquente. Nul besoin de parler vietnamien pour comprendre la volonté d'afficher la future grandeur d'Hanoï 2050.
Mais en réalité, comment cela se déroule-t-il? Nous allons nous attarder sur une des premières pierre de ce projet pharaonique: le Peace Park.
C'est à quelques minutes à l'ouest des 36 rues des artisans et marchands, coeur historique de la ville, que ce parc a vu le jour officiellement le 9 octobre dernier. Il a vocation à offrir au futur quartier d'affaire adjacent un espace de détente et de verdure. La proximité de la Chine et de son influence économique grandissante pousse le parti à dérouler un tapis rouge au monde économique. Ce parc accueille une oeuvre de l'architecte intéressé par les questions de durabilités, Tam Chi Nguyen; le Peace bird, présenté ci-dessous.
Vu de dessus, cette Colombe forme le symbole de la paix et offre une lecture tridimensionnelle des ambitions du pays. Tam Chi Nguyen l'a conçu pour les citoyens qui vienne chercher un peu de quiétude. Néanmoins, il dresse un bilan amer de la méthode employée par le parti communiste pour réaliser cet ensemble urbain. La gouvernance est là-bas un mot vain puisque les citoyens n'ont d'autres moyens de faire entendre leurs voix que part l'action en justice ou les manifestations. L'architecte reconnait la capacité du parti de prendre des décisions rapides mais critique l'engouement fictif de l'organisation pour le développement durable. Il estime que "le parti communiste fait du vert pour son prestige". Pourtant, le parti communiste a aussi conscience que son pays est menacé par les effets de dérèglement climatique. Le Vietnam comprend plus de 3200 kilomètres de côte et la montée du niveau des océans est un risque majeur, comme les perturbations des précipitations qui impacteraient la production de riz et de café, dont le Vietnam est deuxième producteur mondial. Toutefois la pire menace pour ses terres arables est ailleurs. En effet, Tam Chi Nguyen souligne "que la mégapolisation des villes au Vietnam (Saïgon y compris) due à une démographie croissante et à l'exode rural ronge l'espace du pays". L'architecte estime pourtant "qu'étendre n'est pas la solution, il faut optimiser".
C'est là toute la limite de ce type de pouvoir qui, même en étant d'une certaine manière conscient des enjeux, ne peux y faire face. Tam Chi Nguyen constate que "le parti communiste a peur de la révolte paysanne et de la pression populaire. Il ne faut pas que le peuple soit mécontent". L'économie, comme en Chine, joue le rôle de palliatif populaire, en offrant au peuple une augmentation du niveau de vie, à défauts de liberté. La création de parcs industriels, de centres d'affaires et d'espaces de loisirs sont les outils privilégiés par le pouvoir qui agit vite, quitte à imposer ses mesures par la force. Ainsi, pour réaliser le Peace Park, il a été nécessaire d'exproprier des dizaines d'habitants, dans un mépris total de l'avis citoyen.
Finalement, il semble que le Vietnam continue à faire fi de l'histoire de ses villes et continue de privilégier la vision de ses dirigeants au détriment du patrimoine existant et de ses usagers.
Et si pour se tourner vers la paix, il suffisait d'apprendre à écouter son peuple?
Sources:
C'est là toute la limite de ce type de pouvoir qui, même en étant d'une certaine manière conscient des enjeux, ne peux y faire face. Tam Chi Nguyen constate que "le parti communiste a peur de la révolte paysanne et de la pression populaire. Il ne faut pas que le peuple soit mécontent". L'économie, comme en Chine, joue le rôle de palliatif populaire, en offrant au peuple une augmentation du niveau de vie, à défauts de liberté. La création de parcs industriels, de centres d'affaires et d'espaces de loisirs sont les outils privilégiés par le pouvoir qui agit vite, quitte à imposer ses mesures par la force. Ainsi, pour réaliser le Peace Park, il a été nécessaire d'exproprier des dizaines d'habitants, dans un mépris total de l'avis citoyen.
Finalement, il semble que le Vietnam continue à faire fi de l'histoire de ses villes et continue de privilégier la vision de ses dirigeants au détriment du patrimoine existant et de ses usagers.
Et si pour se tourner vers la paix, il suffisait d'apprendre à écouter son peuple?
Sources:
- Un grand merci à Tam Chi Nguyen qui m'a accueilli dans ses bureaux, répondu à mes questions, fait visiter Hanoï et sollicité ses collaborateurs pour pour m'aider.
- Histoire de Hanoï, Philippe Papin
- Guide de tourisme
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