Comme cela avait été évoqué dans l'article "Un référentiel des quartiers durables, une fausse bonne idée?", nous avons assisté le mercredi 4 novembre à la remise des prix du concours écoquartiers français de la part du MEEDDM. Le Grand Prix à été attribué à la ZAC de Bonne à Grenoble. Les réactions de son porteur politique, Pierre Kermen, permettent de mieux appréhender cette opération.
Il souligne que le projet de la ZAC de Bonne est "le fruit d'un travail d'équipe d'abord politique (où les écologistes ont joué un rôle déterminant dans la majorité de Grenoble précédente, écologiste et de gauche, de 1995 à mars 2008) et de professionnels qui ont eu la volonté d'œuvrer ensemble pour un quartier novateur". Ce projet précurseur a grandement participé à l'épanouissement du phénomène des quartiers durables en France, simplement en prouvant que cela était possible au sien de l'hexagone. C'est à ce titre que cette récompense est amplement méritée. Néanmoins Pierre Kermen précise : "La ZAC de Bonne s'inscrit dans un système en transition". Il ne s'agit pas "de placer cette opération comme un objectif à atteindre, mais bien comme une base sur laquelle s'appuyer pour élaborer des quartiers qui iront beaucoup, beaucoup plus loin". Le Grand Prix national des écoquartiers est un "minimum à dépasser". Une analyse critique s'impose pour évaluer les atouts et les faiblesses de cette ZAC afin de pouvoir mieux faire la fois suivante et de permettre d'inscrire les urbanistes dans un processus d'amélioration continu. L'exemplarité de la ZAC est décrite sur le site du Moniteur qui y consacre un article. Pierre Kermen ajoute qu'au niveau technique seraient les bienvenus "un bilan carbone global ainsi qu'un bilan de la qualité des matières utilisées et de leur énergie grise", a minima.
Tirer les leçons politiques, techniques et financières semble un impératif pour rendre reproductible cette initiative. Pierre Kermen regrette que "certains politiciens, comme Michel Destot, n'aient pas eu l'intelligence, la courtoisie ou l'élégance de reconnaître le travail accompli par les précurseurs qui ont mouillé leur chemise". Il trouve "dommage de se contenter de surfer sur la vague" plutôt que "de reconnaître le travail de l'ensemble des équipes et des acteurs impliqués". Sont ainsi cités l'architecte, Christian Devillers ; Patrick Martin pour l'AME HQE Terre Eco, l'assistant à Maîtrise d'Ouvrage ; Olivier Sidler pour les questions d'énergies liées aux bâtiments ; Michel Gibert de l'OPAC 38 ; la SEM Sages, ou encore Perrine Flouret de la Ville de Grenoble, Loïzos Sava d'Aktis architecture comme architecte en chef de la ZAC et la SEM GEG. De même, au niveau financier, il faut avoir conscience que sans le soutien du Conseil Régional de Rhône-Alpes, de l'ADEME, de la communauté d'Agglomération de Grenoble et du programme européen Concerto, la ZAC de Bonne n'aurait pu sortir de terre. Ces investissements issus des collectivités n'enlèvent pas à cette ZAC son caractère reproductible puisqu'elle permet de définir les points forts et les points de progression d'une telle réalisation. Peut-être que les élections régionales de 2010 seront l'occasion pour la question de l'urbanisme durable de prendre un nouveau départ?
Les médias nationaux ne sont pas en restes sur ce concours national des écoquartiers. L'article du Monde intitulé "Ecoquartiers: la France peine à rattraper son retard" souligne la différence entre le discours de Jean Louis Borloo (qui se félicite du focus opéré par ce concours sur les initiatives françaises) et la réalité du terrain qui ne comprend que "neuf projets assez avancés et réunissant l'ensemble des qualités pour prétendre au Grand prix"...
Il convient dès lors de compenser ce triste aveux par la démultiplication des trophées en sous thèmes (27 en tout), provoquant l'ire justifié de Catherine Charlot Valdieu (présidente du Réseau européen pour un développement urbain durable). En effet, un quartier durable se caractérise, rappelons-le, par approche cohérente intégrant tous les principes liés à la notion de développement durable. En séparant les récompenses en pôles consacrés à l'énergie, l'eau, la densité, etc., il devient malheureusement possible de mettre en avant des non-sens comme un projet limitant les émissions de CO2 par son bâti par exemple mais déconnecté du coeur de ville, générant ainsi du transport, donc du CO2.
Si l'ambition de la France est de devenir le pays moteur et précurseur de l'urbanisme durable, ce qui serait une heureuse nouvelle, elle devra au préalable se donner des objectifs à la hauteur de ses ambitions. C'est à dire des objectifs qui, a minima, prennent d'un bloc en compte, de manière équilibrée, les enjeux sociaux, économiques, des milieux naturels et surtout de gouvernance. Les opérations tant observées dans les pays scandinaves ne sont pas issues des prix de leurs ministères respectifs, mais de la volonté des usagers locaux des quartiers (habitants, chalands, etc.). Le principe de la participation citoyenne va à l'encontre de l'acceptation centralisée de l'urbanisme véhiculée actuellement par l'État français. Ce dernier préfère manifestement investir plus d'énergie que de raison dans le Grand Paris, oubliant que 50 millions de français ont peut être d'autres priorités... Heureusement, un club opérationnel composé des Lauréats écoquartiers va élaborer pour 2011 ou 2012 un référentiel (en tout cas un ensemble de recommandations) encadrant les exigences minimales d'un tel quartier, c'est un premier pas.
A nous désormais, en participant à nos projets de villes, de rappeler quels seraient nos quartiers idéaux!
Je tiens à remercier Pierre Kermen pour ses réponses données en exclusivité au "Rêve d'un quartier durable". Vous retrouverez les détails des prix attribués sur cdurable.info .
Réactions supplémentaires de Catherine Charlot Valdieu et Philippe Outrequin sur l'article du moniteur.
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