Les urbanistes sont depuis toujours conscients que les citoyens que nous sommes sont les usagers de plusieurs fonctions au sein de la ville. Nos attentes primaires sont principalement constituées d’un toit, d’un espace ou exercer nos activités et d’un espace ou nous sustenter.
Comment organiser ces proximités?
Une des premières réponses apportée fut le zonage qui consiste à créer des espaces dédiés exclusivement aux besoins basiques cités ci-dessus et à toutes leurs sous-catégories.
La première tentative de parcellisation d’une ville, liée à une volonté ségrégative, fut instaurée en 1885 à San Francisco (à l’encontre des commerçants chinois). Le zonage est utilisé aujourd’hui dans plusieurs pays dont la France qui dispose des outils juridiques ad hoc (heureusement, il s’agit désormais d’équilibrer les contraintes complexes d’un territoire et non plus d’exclure des populations).
Néanmoins, cette stratégie de répartition spatiale des activités engendre de nombreuses difficultés écologiques (déplacements induits émetteurs de CO2), sociales (risque de ghettoïsation des espaces, appauvrissement culturel), économiques (consommation de temps pour les déplacements, déconnexion des lieux de commerces) et fait totalement abstraction de la notion de gouvernance.
L’alternative que proposent les urbanistes à cette stratégie, source de trop de problèmes, est l'application des mixités fonctionnelles et sociales.
La mixité fonctionnelle, principe intuitif, appliqué dans tous les quartiers durables, consiste à mélanger les activités auxquelles ont recours les usagers d’un quartier lorsqu’ils s’y trouvent (que ce soit en tant qu’habitant ou en tant que chaland). Cela peut se faire à plusieurs échelles au sein même du quartier (îlot ou même bâtiment). Il est ainsi préconisé d’incorporer et de répartir harmonieusement les logements, les bureaux, les commerces et les pôles culturels et associatifs en les mixant. Cela ne veut pas dire que tous ces éléments doivent être présents dans tous les quartiers, mais que dans un rayon raisonnable, chaque citoyen puisse y avoir accès. Le «Bio-îlot de Philippe Madec» (du nom de l’architecte à l’origine du schéma ci-dessous) donne une idée des distances acceptables entre un individu et certaines activités récurrentes.
Bien évidemment, nous ne fréquentons pas toujours les mêmes lieux tous les jours. Nous varions nos activités en leur accordant une cadence propre (la boulangerie bénéficie généralement d’une visite journalière, quand la salle de spectacle n’est fréquentée qu’une poignée de fois par an) et un investissement en temps différent. C’est pourquoi un équipement occupé ponctuellement (un stade de foot) peut être raisonnablement plus éloigné que l’école élémentaire. De plus, il ne s’agit pas d’uniformiser nos lieux de vie en trouvant systématiquement une superette à moins de cinq minutes à pied de chaque logement. Chaque ville à travers son histoire, sa culture, ses habitants, son agencement et les caractéristiques de ses quartiers adoptera un visage différent. C'est pourquoi nous prendrons toujours plaisir à voyager!
La mixité sociale quant à elle consiste à créer des logements et des lieux de vie à destination d'une population aussi diverse que possible. Le quartier Vauban en Allemagne (vous trouverez des informations sur ce quartier dans ce blog) qui a de nombreuses qualités a échoué à ce niveau là. Il est socialement et politiquement homogène (jeunes couples avec enfants, plutôt aisés) quand bien même ce n'était pas l'objectif initial. La plupart des quartiers aujourd'hui édifiés prennent soin d'éviter cet écueil. La France s'est pour cela dotée en 2000 de la loi SRU (loi de Solidarité et de Renouvellement Urbains) qui contraint les communes de plus de 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants ailleurs à détenir 20% de logements sociaux. Les communes programment très régulièrement aujourd'hui, à l'échelle d'un quartier, des logements sociaux ainsi que des logements destinés à l'accession sociale.
Il est également important de veiller à la mixité générationnelle qui évite de créer des clivages et des incompréhensions entre des classes d'âges variées (un petit exemple d'application de ce principe). Comme toujours, il suffit d'un peu plus se côtoyer pour mieux se comprendre!
Parlera-t-on de promixité à terme pour les quartiers durables? Ce néologisme me paraît être prometteur pour l'urbanisme qui nous intéresse.