30 septembre 2009

J'habite près du bonheur, c'est mon secret pour être heureux!

Les urbanistes sont depuis toujours conscients que les citoyens que nous sommes sont les usagers de plusieurs fonctions au sein de la ville. Nos attentes primaires sont principalement constituées d’un toit, d’un espace ou exercer nos activités et d’un espace ou nous sustenter.

Comment organiser ces proximités?


Une des premières réponses apportée fut le zonage qui consiste à créer des espaces dédiés exclusivement aux besoins basiques cités ci-dessus et à toutes leurs sous-catégories.
La première tentative de parcellisation d’une ville, liée à une volonté ségrégative, fut instaurée en 1885 à San Francisco (à l’encontre des commerçants chinois). Le zonage est utilisé aujourd’hui dans plusieurs pays dont la France qui dispose des outils juridiques ad hoc (heureusement, il s’agit désormais d’équilibrer les contraintes complexes d’un territoire et non plus d’exclure des populations).
Néanmoins, cette stratégie de répartition spatiale des activités engendre de nombreuses difficultés écologiques (déplacements induits émetteurs de CO2), sociales (risque de ghettoïsation des espaces, appauvrissement culturel), économiques (consommation de temps pour les déplacements, déconnexion des lieux de commerces) et fait totalement abstraction de la notion de gouvernance.

L’alternative que proposent les urbanistes à cette stratégie, source de trop de problèmes, est l'application des mixités fonctionnelles et sociales.
La mixité fonctionnelle, principe intuitif, appliqué dans tous les quartiers durables, consiste à mélanger les activités auxquelles ont recours les usagers d’un quartier lorsqu’ils s’y trouvent (que ce soit en tant qu’habitant ou en tant que chaland). Cela peut se faire à plusieurs échelles au sein même du quartier (îlot ou même bâtiment). Il est ainsi préconisé d’incorporer et de répartir harmonieusement les logements, les bureaux, les commerces et les pôles culturels et associatifs en les mixant. Cela ne veut pas dire que tous ces éléments doivent être présents dans tous les quartiers, mais que dans un rayon raisonnable, chaque citoyen puisse y avoir accès. Le «Bio-îlot de Philippe Madec» (du nom de l’architecte à l’origine du schéma ci-dessous) donne une idée des distances acceptables entre un individu et certaines activités récurrentes.

Bien évidemment, nous ne fréquentons pas toujours les mêmes lieux tous les jours. Nous varions nos activités en leur accordant une cadence propre (la boulangerie bénéficie généralement d’une visite journalière, quand la salle de spectacle n’est fréquentée qu’une poignée de fois par an) et un investissement en temps différent. C’est pourquoi un équipement occupé ponctuellement (un stade de foot) peut être raisonnablement plus éloigné que l’école élémentaire. De plus, il ne s’agit pas d’uniformiser nos lieux de vie en trouvant systématiquement une superette à moins de cinq minutes à pied de chaque logement. Chaque ville à travers son histoire, sa culture, ses habitants, son agencement et les caractéristiques de ses quartiers adoptera un visage différent. C'est pourquoi nous prendrons toujours plaisir à voyager!

La mixité sociale quant à elle consiste à créer des logements et des lieux de vie à destination d'une population aussi diverse que possible. Le quartier Vauban en Allemagne (vous trouverez des informations sur ce quartier dans ce blog) qui a de nombreuses qualités a échoué à ce niveau là. Il est socialement et politiquement homogène (jeunes couples avec enfants, plutôt aisés) quand bien même ce n'était pas l'objectif initial. La plupart des quartiers aujourd'hui édifiés prennent soin d'éviter cet écueil. La France s'est pour cela dotée en 2000 de la loi SRU (loi de Solidarité et de Renouvellement Urbains) qui contraint les communes de plus de 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants ailleurs à détenir 20% de logements sociaux. Les communes programment très régulièrement aujourd'hui, à l'échelle d'un quartier, des logements sociaux ainsi que des logements destinés à l'accession sociale.
Il est également important de veiller à la mixité générationnelle qui évite de créer des clivages et des incompréhensions entre des classes d'âges variées (un petit exemple d'application de ce principe). Comme toujours, il suffit d'un peu plus se côtoyer pour mieux se comprendre!
Parlera-t-on de promixité à terme pour les quartiers durables? Ce néologisme me paraît être prometteur pour l'urbanisme qui nous intéresse.

L'actualité des quartiers durables et des écoquartiers.

30 sept. : Engager les citoyens sur la voie de la réflexion urbaine, certains pensent que c'est possible. Une affaire à suivre: Ramonville. Développement durable: un acte citoyen arbitré par les citoyens.

18 sept. : Que faire de l'étalement urbain consommateur d'espace et d'énergie? Une solution commentée dans cet article: « Décroissance » aux États-Unis : des centaines de quartiers rasés

15 sept. : Une interview de l'architecte Jacques Ferrier qui souhaite réintroduire la sensualité dans nos villes: "Meilleure ville, meilleure vie" . Lien périmé. Retrouvez Jacques Ferrier sur son site.

04 aout :
Dans un entretien réalisé par le Pavillon de l'Arsenal dans le cadre des "Echanges métropolitains", Laurence Baudelet, ethno-urbaniste chargée de mission au sein de l'association Graine de Jardins donne sa vision d'un Paris durable. Une analyse basée sur Paris mais sur des bases qui me semblent très pertinentes!


Bonne lecture!

25 septembre 2009

Un référentiel de quartiers durables, une fausse bonne idée ?

Ou que vous habitiez, un écoquartier (mais probablement pas un quartier durable) est en construction près de chez vous. Car force est de constater que ce type de projet urbain émerge dans les pensées de la majorité de nos politiques. Renouveler la ville sur elle-même n’est pas suffisant, il faut le faire à la mode des concepts écologiques (qui ne sont en fait pas une mode, mais qui sont souvent perçus ainsi). En conséquence, nous assistons ces derniers mois à un florilège d’annonces fracassantes d’inaugurations de futurs « écoquartiers ». Ce phénomène est amplifié par la volonté des collectivités territoriales de soutenir cette démarche par des appels à projets, des promesses de subventions diverses et variées ou un appui politique sans faille. C’est le cas de l'Appel à projets régional "Quartiers durables en Rhône-Alpes" (ainsi que du concours écoquartier du MEEDDAM ou de l'Appel à projet quartier durable 2009/2010 de l'Institut Bruxellois pour la gestion de l'environnement). Le concours du MEDDAM devait rendre public les lauréats en juin et assaillit par 160 dossiers de candidatures, ne sait pas comment réagir. La rumeur court que le MEEDDAM récompenserait les 160 candidats (réponse officielle le 4 novembre). Comment ne pas choisir et dissoudre l’intérêt de l’opération… Pourtant, toutes ces réalisations ne sont pas entreprises dans un cadre de gouvernance harmonieux et mis à part quelques modalités écologiques, ces projets urbains ne sont pas tous particulièrement remarquables. Il est à craindre d’assister à une vaste surenchère de marketing urbain aux doux relents de greenwashing. En même temps, il faut se féliciter de l’appropriation par les élus de ce concept car la France accuse un sérieux retard dans ce domaine (mais qui ne devrait pourtant pas pousser à la précipitation).
Quelle solution mettre en œuvre pour accompagner cette volonté politique et ne pas décrédibiliser un phénomène relativement neuf qui doit encore prendre ses marques ?
Certains proposent de créer un référentiel. Il s’agirait de définir ou de labelliser de manière stricte les quartiers durables sur la base de caractéristiques remarquables. Le premier promoteur de la création d’un référentiel n’est autre que le MEEDDAT qui se prête au jeu tout en reconnaissant que « L’exercice est en soi une gageure. ». La lecture de la manière dont le ministère appréhende les écoquartiers est un plaisir en soi, ne vous en privez pas.
Mais pourquoi une gageure? Peut-être parce que la première des caractérisations d’un quartier durable, c’est qu’il est différent de tous les autres. Cela pour une raison simple : son aménagement est défini par la population locale aux spécificités uniques.  La participation citoyenne, un des trois piliers de la gouvernance urbaine (avec les élus et les techniciens) est au cœur de la manière d’élaborer ces quartiers. Vouloir établir des règles, un cadre ou une grille nationale rappelle le réflexe centralisateur français (en passe d’être abandonné au regard du processus de décentralisation en marche depuis 1983), qui a déjà pu jouer le rôle de frein moteur pour la concrétisation de ce type de projet (par un réflexe psychosociologique des élus locaux consistant à attendre une impulsion venue d’en haut ?). Les modalités de prises de décisions françaises, descendantes, ne sont pas en adéquation avec ce type de démarche. Seuls les référentiels locaux, c'est à dire à l'échelle communale ou régionale (à vocation de renouvellement urbain par exemple), peuvent faire sens.
Finalement, mieux qu’un référentiel, c’est de recommandations dont ont besoin ceux qui souhaitent assister à l’éclosion d’un quartier durable. La première d'entre elle pourrait être: « n’oubliez pas que la matière vivante d’un quartier, ce sont les citoyens qui le traversent. Alors n’imaginez même pas réussir une opération sans connaître et mettre en œuvre leurs volontés… »

16 septembre 2009

Je mutualise, tu mutualises, il mutualise, nous économisons.

Vous avez peut être dans votre armoire une perceuse dont vous ne vous êtes servis en tout et pour tout que 4 minutes sur les dix ans qu'elle a passé dans votre foyer. Mais vous êtes sympathique et c'est pourquoi vous la prêtez régulièrement à votre voisin.
Eh bien, sans le savoir, vous et votre voisin êtes coutumiers du concept de mutualisation.
Vous avez compris que certains biens ne sont utilisés que rarement. Ainsi, pour optimiser la dépense que vous avez effectué dans l'achat d'un objet, vous augmentez son temps d'utilisation (théorie économique du mutualisme). Cela représente un double avantage:
- Écologique: mieux utiliser un objet permet de consommer moins de matière,
- Économique: plus utiliser un objet lors de son cycle de vie accélère son amortissement. (plus d'informations sur l'économie de fonctionnalité sur cette page)
La mutualisation s'applique tout à fait aux quartiers durables au niveau de la construction de ses logements.
Certains espaces, notamment dans l'habitat collectif, consomment beaucoup de place alors que les habitants n'en ont l'usage que ponctuellement. Les quartiers durables, emprunts d'un engagement fort des habitants dans leurs lieux de vie, abritent souvent des expériences de mutualisations. Ces habitants s'entendent pour mettre en commun, lors de la construction de leur bâtiment, une buanderie commune, les locaux techniques ou une chambre d'ami qui servira à tous les voisins en fonction de leurs besoins ponctuels. Cela peut aussi se retranscrire dans la constitution d'un jardin partagé. C'est ainsi autant de mètres carrés économisés qui peuvent trouver une autre fonction.
Quels sont les bénéfices générés potentiellement par la mutualisation? Il est possible:
- de construire des logements plus grands pour le même prix,
- de diminuer la taille des logements pour diminuer leur coût,
- d'investir la somme économisé dans la qualité écologique du bâtiment.
Enfin, la mutualisation permet de créer du lien social avec ses voisins grâce à une communication accrue pour l'organisation de la répartition de ces espaces. Et comme disait Hésiode: "Un mauvais voisin est une calamité, un bon voisin un vrai trésor."...